Rencontre avec l’artiste Carine Bovey à Genève

Texte: Sonia Jebsen
By the Lake,  1 décembre 2022
https://www.bythelake.ch/rencontre-avec-lartiste-carine-bovey-a-geneve/

Représentée par la galerie Gowen Contemporary à Genève, Carine Bovey porte haut les couleurs d’un nouveau féminisme  joyeux, inclusif et plein d’espérance. Ses oeuvres peintes et ses photographies affichent un érotisme sensuel habillé de tons chic pop.

Née en 1985, Carine Bovey aurait sans doute embrassé une carrière  scientifique si elle n’avait pas jeté son dévolu sur l’art contemporain dés l’âge de huit ans ! Avec son  professeur de dessin de l’époque, elle découvre l’oeuvre du duo d’artistes suisses, Peter Fischli et David Weiss : The way things go (1987). « Cette installation met en scène une réaction en chaîne spectaculaire durant 30 minutes. Le détournement ludique des objets du quotidien est hypnotisant. » raconte Carine.

Passionnée de dessin, la jeune femme s’inscrit aux Arts décoratifs de Genève (HEAD). Cependant, c’est à son professeur d’arts plastiques au lycée qu’elle doit ses connaissances en matière de peinture à l’huile et pastel. Elle apprend la fabrication du fixatif pour fusain ou la peinture à l’huile à base de pigments. Des techniques dont elle se sert  et qu’elle transforme, notamment avec des ombres à paupières remplaçant le pastel. Au final, l’art offre plus de liberté que la science pour Carine.

Entre photographie et peinture, son coeur balance. La série « Blurry lips » (2017) découle d’un shooting sur sa bouche gourmande, entr’ouverte, couchée sur la toile en flou artistique. Souvent le cliché sert à la fois  de support mais aussi de sujet comme dans les toiles de la série Ögonblick :  des gros plans sur une paire de stilettos, une coupe de champagne, ravivent des souvenirs festifs enregistrés sur son téléphone. « Été acidulé« (2021) fait barrage à la sinistrose liée à la crise COVID dans les ébats aquatiques d’une sirène hédoniste. « La peinture à l’huile est un médium très lent, de cette façon, j’insuffle dans l’oeuvre plus d’émotions que dans une photographie » ajoute l’artiste.

Photographie et peinture restent à jamais distinctes de par leur temporalité. Aucune retouche pour ses photos qu’elle illumine grâce aux filtres posés sur les fenêtres de son atelier. Chaque image mise en scène raconte une histoire. Si de prime abord, le sujet parait frivole, regardez plus près… Dans la série Neon Fetisch (2022), les natures mortes baignées de lumière rouge/rose parlent d’érotisme suave, suggestif, sans vulgarité. Dans un autre registre, l’artiste aborde le sujet des menstruations tout en délicatesse dans la série Mens (2022), mêlant son propre sang à la composition.

Le travail artistique de Carine Bovey célèbre l’amour et la sexualité vécus librement. Aux antipodes d’un féminisme agressif, souvent contre-productif, l’artiste mise sur la douceur et la bienveillance envers l’autre quelque soit son orientation sexuelle. Son but premier n’est pas autobiographique, même si certaines oeuvres sont en lien avec ses propres expériences. Les dessins « rose chair » de la série Pink Champagne (2022) nous emportent dans un corps à corps entre deux femmes. Telles des fleurs gorgées de plaisir, les sexes sont tracés avec des ombres à paupières, adoucissant notre regard. Grâce à cette approche, l’artiste challenge notre vision et nos préjugés en la matière.

Des fleurs, encore des fleurs, toujours des fleurs comme dans les tableaux de Georgia O’Keeffe. Si l’américaine réfutait toute connotation sexuelle avec ses oeuvres,  Carine Bovey quant à elle, l’assume entièrement . Ses tableaux de la série « Organicum Hortus » (2022) défient notre regard. Les toiles sont envahies de fleurs dont les attributs sexuels se révèlent subtilement.  « A l’mage de l’hypothèse de biophilie, j’aime mettre en avant les similitudes entre notre anatomie et le végétal », raconte l’artiste.

Biographie
De par ses origines en partie scandinaves, Carine Bovey parle le suédois et l’utilise au quotidien. Les titres de ses oeuvres sont tous traduits dans cette langue, mais aussi en  français, en anglais et latin. L’artiste est une amoureuse des mots et de leur emploi détourné. Rédactrice à temps partiel pour un magazine romand, il y a quelques années,  en 2018, elle lance Le Chat Perché entièrement dédié à l’art contemporain.