EXPLORATION CONTEMPORAINE DU PASSÉ

Par Ambre Oggier
Paru le 10 mars 2023
https://gooutmag.ch/exploration-contemporaine-du-passe/

L’histoire de l’art est constituée de réinterprétations, d’appropriations et de renaissances. Les artistes d’hier comme d’aujourd’hui puisent constamment dans le langage visuel des artistes du passé des solutions pour mieux appréhender la réalité et représenter le présent. Fort de ce constat, la galerie Gowen Contemporary a mis sur pied une exposition aussi inattendue que surprenante regroupant les œuvres de plus d’une vingtaine d’artistes suisses et internationaux contemporains autour de l’idée de « Revival ». Co-curaté par Laura Gowen et Rachel Cole, art advisor basée à New York, l’exposition REVIVIAL I – XVIIIe siècle présente des œuvres dont les styles et les compositions reprennent la tradition esthétique occidentale du XVIIIe siècle tout en l’adaptant à notre contemporanéité. Un parcours saisissant à découvrir jusqu’au 29 avril 2023.

Chez Gowen Contemporary, les expositions brillantes s’enchaînent mais ne se ressemblent pas. Actuellement, c’est l’esprit du XVIIIe siècle qui est au centre de l’exposition Revival I, premier volet d’une série d’expositions curatives présentant le travail d’artistes contemporains qui réinterprètent, chacun à leur manière, les codes visuels et thématiques traditionnels des maîtres anciens. En entrant dans la galerie de la Grand-Rue, le visiteur découvre alors le diptyque Weep into my eyes, peint par l’artiste américaine Jesse Mockrin qui reprend ici l’histoire mythique du suicide de Lucrèce qui mena à la fondation de la République romaine en 509 avant J.-C. Cet épisode antique, qui connut une importante fortune parmi les artistes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, évoque des problématiques qui ont traversé les époques et qui sont encore d’actualités comme la condition de la femme, l’égalité, la justice et le viol. Dans la salle suivante, l’artiste italien Giuliano Macca reprend les personnages de L’enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus, peint par Lagrenée en 1755, dans un tableau impétueux qui joue avec le procédé du non finito. Intitulé Escape, l’artiste change le destin tragique de cette figure mythologique en suggérant la possibilité d’une échappatoire. Plus loin, au fond de la galerie, un petit pastel sur papier figurant une femme récoltant des fruits, faisant référence à la Balançoire de Fragonard, côtoie un grand pastel sur toile représentant un paysage irréel, créant ainsi un dialogue silencieux inopiné entre l’œuvre de Sara Anstis et celle de Nicolas Party. Notons encore le drôle de concert dans l’herbe peint par Genieve Figgis à l’aide d’une technique picturale extravagante et décalée qui transforme l’activité champêtre traditionnelle en trip sous acide. De cette façon, les œuvres exposées réinventent ingénieusement les canons de l’histoire de l’art afin de développer une nouvelle histoire de l’art contemporain.

Parmi les artistes exposés, on retrouve des artistes représentés par Gowen Contemporary, comme Sébastien Mettraux qui peint des végétaux en pleine transmutation, Carine Bovey dont les œuvres sont profondément féministes et Giuliano Macca, mais pas uniquement puisque la galerie a collaboré avec des galeries internationales sur cette exposition afin de proposer le travail d’artistes inattendus et audacieux. De surcroît, comme à son habitude, la galerie présente des œuvres exceptionnelles provenant de collections privées qui participent au discours et à la vision développés à travers cette exposition. Un savant mélange d’œuvres « baroques » qui souligne l’importance de la renaissance perpétuelle du passé dans l’histoire de l’art, à découvrir sans plus attendre au numéro 23 de la Grand-Rue.