Orchidaceae excisus
Dans cette peinture issue de la série Organicum Hortus, l’artiste nous amène dans un jardin floral inquiétant ponctué de notes minérales. Bien que les matières précieuses évoquent la beauté, une sombre vérité se cache derrière l’éclat des diamants. Dans un climat angoissant, les nuances irisées du nacre perdent leur féérie. Comme quoi, tout ce qui brille n’est pas or.
Créant une analogie entre une orchidée noire épatante (cymbidium kiwi midnight ’geyserland’) et les vulves, l’artiste nous interpelle à propos d’un sujet difficile, à savoir les mutilations génitales féminines. Comme le rappellent de nombreuses associations, l’excision est un problème humain et non africain. Selon l’Unicef, chaque minute, six filles sont excisées, ce qui correspond à 200 millions de femmes dans 31 pays, sur trois continents.
Dans Orchidaceae excisus, les perles baroques ornent les pétales, ce qui évoque les colliers de perles que l’on reçoit en Europe lors de nos mariages. De tous temps, et sur tous les continents, les jeunes filles se devaient d’être vertueuses afin de devenir de bonnes épouses. Malheureusement, l’excision est toujours pratiquée dans certaines sociétés, car elle permet de contrôler la sexualité des femmes, et ainsi, en les privant de plaisir, vise à garantir leur virginité avant le mariage. Le corps des femmes a souvent servi de valeur marchande, car il permettait l’assiduité entre deux familles. Comme le raconte Mambou Aimée Gnali dans son roman L’or des femmes, des jeunes filles pauvres sont contraintes d’épouser des hommes bien plus âgés afin de pouvoir mener une vie confortable. Mais quel prix doivent payer les femmes ?
Il y a quelque années, Carine Bovey lisait un article publié le 7 octobre 2010 dans le Nouvel Obs racontant le calvaire des orpailleuses de la République Démocratique du Congo. Enlevées dans les zones minières, elles sont victimes de viols collectifs et de mutilations. De ce reportage, une phrase résume l’atrocité de ces témoignages : “Ils cherchent de l’or dans nos vagins.” En effet, dans une région où il n’y a ni banque ni coffre-fort, les femmes cachent parfois des petits colis d’or dans leur vagin. Les groupes armés le savent et se servent de ce prétexte pour kidnapper toutes les femmes des villages à partir de 13 ans pour en faire leurs esclaves sexuelles. La barbarie qu’elles subissent rappelle à l’artiste à quel point les femmes sont meurtries dans leur chair en cas de guerre ou d’instabilité politique. Partout dans le monde, les crimes de guerre sexistes sont devenus une nouvelle arme servant à anéantir et déstabiliser la société.
Orchidaceae excisus s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre de l’artiste visant à nous faire réfléchir sur le genre et la manière dont il est perçu dans nos sociétés. Bien qu’elle se base sur des histoires sombres, cette peinture est tout de même porteuse d’un espoir. Sa forme perforée, qui a priori rappellerait une goutte de sang, pourrait également symboliser une goutte de cyprine, tout comme l’éclat de l’or et des perles la joie. L’artiste pense que la raison est plus forte que l’ignorance et qu’elle finira par l’emporter. La grâce tiomphera.
https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine1-2008-3-page-119.htm